Pourquoi les médecins urgentistes ne respectent-ils pas les recommandations internationales relatives à l’administration d’adrénaline dans l’arrêt cardiaque ?
Why Do Emergency Physicians not Follow International Guidelines on Adrenaline Administration in Cases of Cardiac Arrest?
1
Service d’accueil des urgences, centre hospitalier de Haguenau, 64, avenue du Professeur-Leriche, F-67500 Haguenau, France
2
Service d’aide médicale urgente du Bas-Rhin, hôpitaux universitaires de Strasbourg, 70, rue de l’Engelbreit, F-67200 Strasbourg, France
3
Centre de formation et de recherche en pédagogie des sciences de la santé (CFRPS), faculté de médecine de l’université de Strasbourg, 4, rue Kirschleger, F-67085 Strasbourg, France
4
Service d’accueil des urgences de l’hôpital Émile-Muller, 20, avenue du Docteur-René-Laennec, F-68100 Mulhouse, France
* e-mail : pelaccia@unistra.fr
Reçu :
11
Janvier
2019
Accepté :
2
Avril
2019
Objectif : La prise en charge de l’arrêt cardiaque repose sur des recommandations internationales définissant notamment un schéma précis d’administration d’adrénaline. Chez les médecins exerçant la médecine d’urgence préhospitalière, il existe pourtant d’importantes variabilités interindividuelles concernant l’usage de l’adrénaline. L’objectif de cette étude était d’identifier les facteurs à l’origine du nonrespect des recommandations.
Matériel et méthodes : Nous avons mené une étude qualitative prospective et multicentrique fondée sur des entretiens individuels semi-structurés auprès de médecins urgentistes. Après retranscription, ils ont fait l’objet d’une analyse thématique par le premier auteur.
Résultats : Treize entretiens ont été menés. Ils ont permis de conclure qu’un non-respect des recommandations concernant l’administration de l’adrénaline était retrouvé chez sept médecins. Les interviewés expliquaient essentiellement ces écarts par une volonté de majorer les chances de succès de la réanimation (ce qui les conduisait à augmenter la posologie), ou bien en fin de réanimation, à vider la seringue d’adrénaline afin d’administrer un bolus final considéré comme la « dernière chance » pour le patient. Le poids du patient, les comorbidités et l’âge pouvaient également conduire à ajuster la posologie, tout comme le souhait de mettre en oeuvre une « réanimation d’attente », le niveau de connaissance des dernières recommandations par les praticiens ou leurs habitudes personnelles.
Conclusion : Il existe, chez les médecins urgentistes, une importante variabilité dans l’usage de l’adrénaline lors de la prise en charge préhospitalière de l’arrêt cardiaque. Ces écarts de pratique imposent la mise en oeuvre de mesures destinées à favoriser le respect des recommandations scientifiques.
Abstract
Aims: The management of cardiac arrest is based on international guidelines which, in particular, define a specific adrenaline administration scheme. However, among physicians practicing pre-hospital emergency medicine, significant inter-individual variations in the use of adrenaline have been observed. The aim of this study was to identify the factors underlying this failure to conform to guidelines.
Procedure: We have conducted a prospective, qualitative, multi-center study and held individual semi-structured interviews with emergency physicians. Following transcription, a thematic analysis of the interviews was performed.
Results: Thirteen interviews were conducted. Failure to observe adrenaline administration guidelines was observed in 7 interviewed practitioners. The interviewees tended to explain these deviations by their desire to enhance the chances of successful resuscitation (leading them to increase the dose of the adrenaline boluses) or, at the end of resuscitation, to empty the syringe of adrenaline, administering a final bolus considered to be the patient’s “last chance”. Patient weight, co-morbidities and age could also lead to dosage adjustments, as could some factors inherent to practitioners such as their level of knowledge of the latest recommendations or their personal habits.
Conclusion: There is significant variability in the use of adrenaline by emergency physicians in the pre-hospital management of cardiac arrest. These gaps in practice require the implementation of measures intended to promote observance of scientific guidelines.
Mots clés : Arrêt cardiaque / Adrénaline / Recommandations internationales
Key words: Cardiac arrest / Adrenaline / International Guidelines
© SFMU et Lavoisier SAS 2019